05/11/2022 6 Minutes read BitcoinÉcologie 

Bitcoin & écologie #1 : Quelle est l’empreinte énergétique du Bitcoin ?

En matière énergétique et environnementale, peu de sujets soulèvent autant de débats, souvent plus idéologiques que scientifiques, que celui portant sur l’impact des cryptoactifs.

Un coût significatif, mais à relativiser au regard d’autres instruments financiers et d’autres industries

En raison des partis pris d’opposition en pour ou en contre, souvent peu ou mal documentés, les données et analyses portant sur la contribution des cryptoactifs au réchauffement climatique et les autres effets environnementaux, sont généralement peu objectivés sur les deux versants de la problématique :

  • Quel est le coût énergétique des cryptoactifs et leur contribution au changement climatique ?
  • Au-delà des cryptoactifs, que peuvent apporter les technologies blockchain et plus largement le Web3, dans la lutte contre le changement climatique ?

Sur le premier versant de la problématique, trois travaux robustes très récents, provenant d’une part de l’Université de Cambridge, d’autre part de la célèbre revue scientifique Nature et enfin, de l’Office des politiques scientifiques et technologiques de la Maison Blanche, viennent d’être publiés au même moment. Par un hasard des calendriers, elles datent toutes trois de septembre 2022.

Elles apportent les réponses les plus complètes envisageables à 3 principales questions :

  • Quelle est la consommation énergétique des cryptoactifs ?
  • Quels sont les principaux paramètres structurant ces tendances ?
  • Quelles sont les relations entre les types de protocoles de consensus privilégiés et la consommation énergétique ?
  • Quelle est leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre et particulièrement celle du plus diffusé, le Bitcoin ?

Les périmètres respectifs de ces études étant différents, les réponses apportées sont complémentaires.

À partir de ces études ainsi que d’autres sources réputées fiables, et d’analyses en propre, nous apporterons des éclairages en réponse aux questions ci-dessus, sous la forme de trois papiers à la fois indépendants et néanmoins très imbriqués.

Le premier de la série, développé ci-dessous, porte dans un premier temps, sur la consommation énergétique des cryptoactifs. Il met ensuite ces données en perspective avec l’empreinte énergétique d’autres activités. Il sera suivi dans un second papier, par une analyse des aspects portant sur les incidences sur le climat.

État de l’art sur la consommation énergétique des cryptoactifs

Suivant l’étude publiée par l’Office des Politiques Scientifique et Technologique (OSTP) de la Maison Blanche, entre 2018 à 2022, la consommation annuelle mondiale utilisée par les cryptoactifs, se situe dans une fourchette comprise entre 120 et 240 milliards de kilowattheures par an. Des chiffres qui surpassent la consommation annuelle d’électricité de pays comme l’Argentine ou l’Australie.

Cela équivaut à 0,4% à 0,9% de la consommation mondiale annuelle d’électricité. Le Bitcoin représente la grande part de ces estimations. À fin août 2022, le Bitcoin représentait entre 60% et 77% de la consommation électrique totale des cryptoactifs.

Que représentent ces chiffres, en comparaison avec d’autres instruments financiers et d’autres activités ?

Comparaisons avec d’autres instruments financiers : le cas du Bitcoin

Les cryptoactifs peuvent être utilisés à des fins d’investissement, de spéculation ou comme moyens de paiement. Ils peuvent aussi être des sous-jacents à un grand nombre de services à forte ajoutée. Ce sont les “utility tokens”.

Dans ce qui suit, la comparaison sera limitée à l’or d’une part et aux systèmes de paiement électroniques de l’autre. Pour mettre en perspective leur poids énergétique en rapport avec des actifs d’une part et des instruments de paiement de l’autre, 2 types de benchmarks s’imposent : l’or et les cartes de paiement.

La consommation électrique liée à la production d’or – actif souvent comparé au Bitcoin – est supérieure de 30% à celle des bitcoins.

Source : Université de Cambridge, septembre 2022

La comparaison avec les cartes de paiement les plus importantes (Visa, MasterCard et American Express) est plus compliquée. En 2020, Bitcoin et Ethereum représentaient, au total, environ 460 millions de transactions. Sur la même période, Visa, MasterCard et American Express ont traité collectivement environ 310 milliards de transactions de paiements par les cartes de crédit.

Cela correspond à une consommation d’électricité cumulée, pour les trois acteurs, d’environ 0,5 milliard de kWh. Soit 1% de l’électricité utilisée par le Bitcoin et l’Ethereum la même année, pour un volume de transactions 674 fois supérieur ! Dans les faits, la comparaison est plus compliquée pour différentes raisons. L’exemple ci-dessous avec le Bitcoin, permet de comprendre cela.

L’une d’entre elles tient au fait qu’une transaction par carte de crédit ne représente qu’un seul paiement entre les parties. Alors que plusieurs transactions en bitcoins peuvent être regroupées en une seule transaction dite “on-chain”. Cette dernière peut combiner différents types d’activités financières en une seule, affichées sur la blockchain.

Par exemple, lorsqu’une personne achète ou vend des bitcoins, ou achète un café avec des bitcoins, ces opérations sont toutes enregistrées comme un transfert de bitcoins d’une adresse à une autre, et un enregistrement de ce transfert est ajouté au bloc suivant avec d’autres transactions.

Un bloc sur la blockchain de Bitcoin contient généralement 1 000 à 2 000 transactions, le nombre de transactions par bloc changeant quotidiennement. Une autre spécificité du Bitcoin est que le temps moyen pour résoudre le problème mathématique par la preuve de travail (PoW) et enregistrer un bloc de Bitcoin dans le « grand livre » est très long. Cela nécessite environ 10 minutes.

Enfin, le Bitcoin ayant théoriquement vocation à jouer un rôle équivalent à une réserve de valeur comme l’or et à se substituer aux activités bancaires de manière bien plus large que la substitution aux cartes de paiement, l’analyse du coût énergétique associé doit donc être plus large. Elle devrait mettre en perspective le Bitcoin en face non pas de l’un des instruments financiers pris systématiquement, mais d’une composante plus significative de celui-ci.

C’est un travail de cette nature qui a été entrepris par l’expert Michel Khazzaka. Selon les conclusions de celui-ci, en prenant en compte l’ensemble du système de paiements électroniques traditionnels (et pas seulement celui des cartes), le Bitcoin consomme 28 à 60 fois moins d’énergie.

Côté bancaire, il prend en compte non pas seulement le coût énergétique des cartes de paiement, mais également celui de l’ensemble des activités physiques (compensations interbancaires, production et circulation de la monnaie fiduciaire, distributeurs automatiques de billets de banque, systèmes d’information bancaires, déplacement et bureaux des employés de banque).

Au-delà de l’or et du secteur bancaire, comment se situent le Bitcoin par rapport à d’autres activités électro-intensives ?

Comparaisons avec d’autres industries électro-intensives

L’indice créé par l’Université de Cambridge (CBECI) permet une analyse plus fine : elle est uniquement centrée sur le Bitcoin, en raison du poids prédominant de celui-ci dans l’industrie. Et distingue pour ceux-ci, 3 points de comparaison intéressants :

  • La part des bitcoins dans la consommation électrique mondiale : 0,45%.
  • La part des bitcoins dans la consommation énergétique mondiale : 0,15%.
  • La part comparée en énergie des bitcoins rapportée à celle d’autres secteurs d’activité électro-intensifs. Le graphique ci-dessous en donne une bonne illustration :
Source : Université de Cambridge, septembre 2022

La consommation de bitcoins représente 100 TWh. En comparaison, les systèmes de climatisation consomment 22 fois plus d’énergie, les data centers 2 fois plus et les réfrigérateurs, seulement aux Etats-Unis, en consomment autant.

Au final, les cryptoactifs représentent une consommation énergétique soutenue (0,9% au plus du total). Mais cela reste largement inférieur à la plupart des secteurs électro-intensifs.

Pour autant, comme le Bitcoin et plus généralement les protocoles de preuve de travail sont les plus coûteux au regard de la consommation énergétique des cryptoactifs et des blockchains qui les soutiennent, il est nécessaire d’analyser le coût induit en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Cela sera l’objet du second papier : « Quelle est la contribution du Bitcoin au changement climatique ? Un poids limité à l’échelle globale, mais un coût réel ».


[1] A deep dive into Bitcoin’s environmental impact, University of Cambridge, 27 September 2022

[2] Economic estimation of Bitcoin mining’s climate damages demonstrates closer resemblance to digital crude than digital gold, Nature, 29 september 2022

[3] Climate and Energy Implications of Crypto-Assets in the United States. White House Office of Science and Technology Policy (OSTP). Washington, D.C. September 8, 2022

[4] Climate and Energy Implications of Crypto-Assets in the United States. White House Office of Science and Technology Policy (OSTP). Washington, D.C. September 8, 2022

[5] Climate and Energy Implications of Crypto-Assets in the United States. White House Office of Science and Technology Policy (OSTP). Washington, D.C. September 8, 2022

[6] Bitcoin : Cryptopayments Energy Efficiency, Michel KHAZZAKA, avril 2022

[7] The Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI) (https://ccaf.io/cbeci/index)

[8] Consommation soutirée des réseaux électriques.

[9] Toutes sources d’énergie : réseaux électriques, production électrique sur site, systèmes de combustion (ex : générateurs diesel), …

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